Sabliers Givrés 9
Je me suis réveillé(e) la bouche pâteuse, un horrible sentiment de fierté pointant dans le cœur, un rire sardonique. J’ai ouvert mes volets violemment. Ils se sont abattus sur le mur puis m’ont claqué dans la gueule dans un retour à l’expéditeur digne du meilleur des boomerangs.
Oh non ! Pitié ! Pas ça ! Vite, Vite, de la glace ! Vite, des granules d’arnica ! Vite, massage ! Spray givrant ! Internet : recherche sur Altavista ou Google (j’ai encore les deux) : COMMENT EVITER LES HEMATOMES. Ca charge pas vite… allez… Lecture d’un pt’it sablier givré pendant qu’on y est en attendant les bons conseils des sites à deux balles supermaman.com, doctissimimi.com…Pitié ! Non ! Pas maintenant !
J’ai économisé tellement pour y arriver : réussir à me refaire entièrement pour enfin pouvoir GAGNER contre l’Autre, là, l’Autre, ce semblable que j’exècre. Je suis sur le point de GAGNER, je vais lui bousiller son Aura à ma façon, tu vas voir. J’en peux plus de vivre avec ce cauchemar depuis tant d’année, alors je l’ai fait, je suis passée sur le billard hier. Le meilleur chirurgien d’Istanbul. Je me suis fait conseiller, depuis le temps que je vis ici, j’ai maté tous les nez refaits et les seins siliconés des midinettes qui jouent aux superstars à la sortie des boîtes de nuit d’Ortaköy. Les « Societik » comme on les appelle ici. Pas compliqué vu la ribambelle de journaux et de magazines qui étalent ces poupées Barbie.
Mais là, je peux te jurer que les poupées Barbie, là, …. Elles font pas le poids ! Ah ça non ! Parce qu’il faut plus que de la chair de femme, il faut la hargne aussi ! et la hargne, je l’ai ! Ah oui ! Je l’ai, je les HAIS !
Pas besoin de me décrire. Je le sens, je le suis, je me jette dans les bras de cette ville que je hais, dans cette ville que j’abhore, ce royaume de l’HOMME tout puissant qui plaque sa femme au sol, qui la bat, qui la gerbe.
Aujourd’hui, je me sens fort. FORTE. Ca y est, je peux mettre tous les adjectifs au féminin ! Je le suis ! Je suis FEMME ! FEMME vouée à traîner sur les boulevards de Tarlabasi, pour mordre les couilles des hommes et leur faire cracher leur mépris.
Alors, non ! Pitié, ce matin, pas d’ecchymose sur la gueule : je ne veux pas ressembler à une femme battue le premier jour de ma renaissance !